A propos du réalisateur virtuel Pëdrø Vaskebjørn

"Pëdrø Vaskebjørn, ou la troisième voie"

Pëdrø Vaskebjørn est né le 11 novembre 1958, dans la petite bourgade de Innedalen, en Norvège. Cinéaste exigeant, il a commencé son parcours riche en recherches et en innovations dans le monde pictural et avant-gardiste d'Oslo dès sa sortie de la D.N.F (Den Norske Filmskolen) de Tromsø, la célèbre école de cinéma des pays Baltes. De son père taxidermiste, il a conservé une passion démesurée pour le monde animal, surtout dans sa staticité première, d'où son amour pour les longs plans immobiles. De sa mère d'origine espagnole, ancienne muse de Salvador Picasso, il a gardé cette passion pour les couleurs chaudes et les influences maritimes. Vaskebjørn s'est très vite fait remarquer par la critique, surtout grâce à sa palette d'images fortes autour de scènes animalières (son quatrième film, le mémorable "Oter Kjønn" consacré aux phoques Yhou de Bästär, primé dans les plus grands festivals, est un incontournable) qui l'ont rapidement mené du documentaire sous-sur-marin dans lequel il excelle vers des œuvres plus tendues de fiction. Ni pamphlets expérimentaux, ni œuvre commerciale, comme l'a très bien écrit Jean- Roger Truffaud (dans un remarquable article pour la revue "Cinéma & Sémantique" consacré au début de son œuvre dans les années 82-83), Pëdrø Vaskebjørn a choisi la troisième voie. Sa direction d'acteurs use de toute la riche gamme des interrogations premières des comédiens, entre silences et attentes. Ses décors minimalistes et monochromes imposent la lenteur, sa collaboration avec le compositeur Olaf Stakkar, spécialiste du mesodécaphonisme analogique, dirige le spectateur fasciné vers des ambiances glacées. Son opus le plus remarquable est sans doute le long métrage "Uten Kamera ", d'après un scénario original inspiré par la vie de Marguerite Duras, dans lequel Vaskebjørn s'affranchit de toute technique paralysante, pour réaliser un film pendant plus de deux mois sans aucune caméra, les cent cinquante techniciens mimant au cour d'un tournage épuisant la fabrication plan après plan d'un long métrage d'une durée finale de plus de trois heures quinze. Encensé par la critique française, dithyrambique, ce film n'a malheureusement pas eu le succès public escompté, la version distribuée dans l'hexagone étant amputée de son final onirique non-tourné dans le ghetto de Varsovie reconstitué pour l'occasion dans le désert marocain. Vaskebjørn avait déjà abordé l'univers des rongeurs dans "La brise menue de Tumelet" (Uuthodelig case testikkel), mais se concentrait uniquement sur la psychologie grégaire des loutres des iles Lofoten, dans ce docu-fiction de deux heures trente.
Avec "Comme un rat" (Som en rotte), filmé dans une cave de laboratoire reconstituée avec minutie dans une grotte près du sommet du Mont Viso, il aborde aujourd'hui avec pertinence et créativité la délicate cause des animaux de laboratoire de l'union européenne, dans une comédie-drame à la porté politique indéniable et salutaire.

Raymond Chandeleur
pour la revue bimestrielle "Mondokinos, cinémas & société"
Janvier 2014